La Poursuite ou La Course
La Poursuite ou La Course
La Poursuite de Paul Richer appartient à la série des « Exercice athlétiques » réalisés en plâtre dans les années 1890. Trois athlètes sont lancés dans une course : l’attitude de leur corps, l’expression de leur visage attestent d’un effort particulier. Chacun est représenté dans un stade différent de la course à pied : l’impulsion, la phase de suspension et l’appui. La nudité permet l’étude minutieuse de chaque muscle, os, tendon mis en action. Pour sa réalisation, Paul Richer s’inspire du procédé de la chronophotographie. Ce procédé fut mis au point simultanément par le britannique Eadweard Muybridge et le français Etienne-Jules Marey. Il permet, par la prise de photographies à intervalles réguliers et très rapprochés, de rendre visibles les différentes phases qui composent un mouvement : monter un escalier, s'asseoir sur une chaise, porter un objet etc. L’objectif de cette sculpture est de donner une image scientifiquement juste d’un exercice physique tel que la course à pied.
En 1896, en tant qu’élève du professeur Charcot à l’hôpital de la Salpêtrière, Paul Richer aborde la question de la physiologie du mouvement en faisant réaliser une série de photographies. Il s’intéresse également à l'étude scientifique et artistique des exercices physiques en vue de l'Exposition universelle de 1900. Pour ce travail, il dessine ses observations de l'anatomie et du mouvement du corps d'après modèle vivant. Puis il réalise des statuettes et des sculptures grandeur nature.
Cette étude s’inscrit dans les recherches plus générales de Paul Richer lui permettant d’établir une norme morphologique de référence. Afin de décrire les dégradations du corps liées aux maladies et à la vieillesse, son choix se porte par opposition sur le prototype de l’homme parfait : l’athlète. En 1893, il publie Le Canon des proportions du corps humain, bilan de ses recherches dont La Poursuite est un exemple.
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Loïe Fuller dansant dans salomé
Loïe Fuller dansant dans salomé
Don de Louis Massignon et de sa sœur en souvenir de leur mère, 1931
Loïe Fuller était une danseuse américaine qui s’est produite à Paris dès 1892. Elle a renouvelé les arts de la scène par son utilisation de jeux de lumières et de voiles déployés dans l’espace grâce à deux baguettes qui prolongeaient ses bras. Proche du mouvement Art nouveau, la danseuse trouvait son inspiration dans la nature, ses mouvements et ses ondoiements.
Ses recherches de formes et volumes dans l’espace, les effets de couleurs, ont inspiré les peintres et les sculpteurs de son époque. Loïe Fuller dansant dans Salomé de Pierre Roche en témoigne. Le voile y envahit tout l’espace, s’approche de la danseuse, telle une vague. Le personnage, effrayé, recule son buste, s’éloignant ainsi du voile. Il est possible d’entrevoir ce qui semble tant épouvanter la jeune femme : Pierre Roche joue de l’informe de ce voile pour faire apparaître une tête que seul l’observateur attentif peut admirer.
Salomé est un épisode biblique des évangiles raconté par Marc et Matthieu. Hérode épouse Hérodiade, ancienne femme de son demi-frère Philippe. Jean le Baptiste réprouve ce mariage, provoquant alors la colère d’Hérodiade. Ainsi, lorsque sa fille Salomé danse devant le roi émerveillé qui lui promet alors tout ce qu’elle souhaite, Hérodiade pousse sa fille à demander la tête de Jean le Baptiste. Bien que contrarié, Hérode obtempère.
Cet épisode a largement séduit musiciens, écrivains, poètes de la fin du XIXe siècle et début XXe siècle, notamment pour son aspect orientaliste. Loïe Fuller a elle-même proposé deux spectacles différents de Salomé, en 1895 puis en 1907. C’est la tragédie de 1895, inspirée de la pièce d’Oscar Wilde qui est évoquée par Pierre Roche. Aux effets de lumière et de voile, le sculpteur répond par l’évanescence d’un visage dans le drapé, que l’on devine être celui de Jean le Baptiste.
À la terre
À la terre
Au musée, la salle dédiée à la représentation des travailleurs atteste de l’intérêt des sculpteurs pour ce thème à la fin du XIXe siècle. C’est là que se trouve À la terre, sculpture en plâtre d’Alfred Boucher représentant un terrassier penché, concentré sur sa tâche, fixant la terre qu’il soulève avec une pelle au manche légèrement courbé. Ces ouvriers étaient alors nombreux dans les rues pour participer aux travaux d’urbanisme.
Aucun visiteur ne reste indifférent à cette sculpture imposante par sa taille. Le corps de ce travailleur impressionne les enfants qui avancent les hypothèses les plus saugrenues pour expliquer son étonnante nudité. Mais non, l’homme n’est pas pauvre, il n’a pas trop chaud et les habits existaient bien à cette époque ! Alfred Boucher a choisi le nu afin de mettre en avant la musculature de ce corps. Les veines saillantes attirent l’attention sur l’effort fourni. D’autres détails accentuent cette robustesse : le visage hiératique ne trahit pas l’effort et semble montrer que rien ne détournera l’homme de sa besogne, l’arrière des genoux ainsi que les mollets sont frappants de précision. Le sculpteur rend ainsi hommage à l’ensemble des travailleurs, tout en montrant sa parfaite maîtrise de l’anatomie acquise à l’école des beaux-arts de Paris.
À la terre a été exposé au Salon des artistes français de 1891, remportant alors une médaille d’honneur et bénéficiant de critiques pour la plupart élogieuses. Ce succès valut à la sculpture une édition en bronze un peu différente : destinée aux intérieurs bourgeois, une ceinture cache pudiquement les parties intimes du terrassier. Le tronc, destiné à renforcer la sculpture en plâtre, est absent de cette édition.
Alfred Boucher a réutilisé la figure du terrassier pour un bas-relief destiné au piédestal du monument en hommage à Eugène Flachat. Torse nu, l’ouvrier est alors plus crédible en pantalon et sabots pour témoigner de son rôle indissociable de celui de l’ingénieur.
Souris et escargot
Souris et escargot
Souris et escargot est emblématique de toute une partie de la sculpture d’édition, représentant des sujets anecdotiques et charmants, de petite taille, faciles à exposer dans les intérieurs bourgeois richement décorés de la fin du XIXe siècle. L’édition consiste à reproduire en série une œuvre originale, souvent dans des dimensions et des matériaux variés. Elle est à la croisée de l’art et de l’industrie.
La sculpture animalière connaît un grand succès au XIXe siècle, d’abord avec le Romantisme, puis le Réalisme. Georges Gardet s’inscrit dans cette tradition, à la suite de son maître Emmanuel Fremiet. Il réalise notamment de nombreuses compositions de grande taille mettant en scène des animaux sauvages pour orner des parcs ou des monuments. Beaucoup sont par la suite édités en bronze et en réduction. Ici, Gardet conçoit directement une sculpture destinée à l’édition, avec un thème et une taille adaptés. Les sculptures en biscuit de porcelaine de Sèvres connaissent un grand succès pour leur raffinement et leur blancheur parfaite. Le biscuit est une porcelaine cuite sans glaçure ; il garde donc son aspect mat, qui plait particulièrement à cette époque. Grâce à son coût modéré, le biscuit permet de diffuser largement ces sculptures.
La Bourrasque
La Bourrasque
Bronze d'édition en une grandeur. Fonte Siot-Decauville
La Bourrasque d’Alfred Boucher s’inscrit dans une série d’œuvres à caractère anecdotique. L’artiste puise son inspiration dans la représentation de scènes de la vie quotidienne lui permettant de produire des œuvres d'inspiration sociale pour glorifier le monde rural, dont il est issu. Celle-ci donne à voir un couple de moissonneurs, identifiable à la faux portée par l’homme, qui rentre se mettre à l’abri d’une tempête qui approche.
Boucher adopte une vision idéalisée du monde rural, très loin des représentations plus sociales que l’on retrouve par exemple chez son confrère Ernest Nivet. Ses ouvriers agricoles sont jeunes, beaux et sains. En témoigne le corps vigoureux et musclé de l’homme que l’on aperçoit par l’ouverture de la chemise aux manches relevées et à travers le pantalon plaqué contre les jambes sous l’effet du vent.
Le sculpteur fait preuve ici d’habileté technique dans la représentation naturaliste et attentive du mouvement. Le vent, élément invisible, vient s’engouffrer dans les plis de la chemise de l’homme et dans les jupons de la femme. Sa force s’exprime dans la posture de la femme qui semble lutter contre les éléments déchaînés. D’un geste protecteur, l’homme tient sa compagne par l’épaule. L’artiste porte une attention particulière au mouvement vif de la course, accentué par l’expression des visages. Loin d’être passifs, ceux-ci montrent l’angoisse de voir le travail de la saison réduit à néant.
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Statue équestre de Jeanne d'Arc
Statue équestre de Jeanne d'Arc
Au XIXe siècle, des statues de Jeanne d’Arc sont érigées sur de nombreuses places publiques françaises. Conscient de cet enjeu, Paul Dubois a déjà élaboré un projet de statue équestre de l’héroïne lorraine lorsque l’Académie de Reims lui commande le monument, en 1885. Le sculpteur combine deux registres iconographiques pour la représentation de Jeanne : la guerrière en armure prête au combat, l’épée levée, mais également l’inspirée, les yeux tournés vers le ciel.
Pour élaborer son œuvre, Paul Dubois exécute un très grand nombre d’études. Il étudie l’anatomie du cheval et ses différentes allures, ce qui lui permet de les synthétiser dans sa sculpture. Pour la représentation de l’armure, il mène des recherches poussées dans des livres anciens mais aussi dans les musées de toute l’Europe, afin d’être au plus proche de la vérité historique. Des carnets de croquis, des études de têtes de Jeanne d’Arc en plâtre ainsi que neuf maquettes du groupe en cire dont une conservée par le musée Camille Claudel, témoignent de ce long travail préparatoire.
Le modèle en plâtre du monument est présenté au Salon de 1889 et offert à la ville de Nogent-sur-Seine lors de la création du musée municipal, en 1902. Il en existe quatre exemplaires en bronze : le premier inauguré en 1896 par le Président Félix Faure sur le parvis de la cathédrale de Reims, ceux de la place Saint-Augustin à Paris et du parvis de l’église Saint-Maurice à Strasbourg et un quatrième, légèrement plus petit, au Meridian Hill Park de Washington. Fort du succès de l’œuvre auprès du grand public, Paul Dubois obtient un contrat d’une durée de vingt ans avec le fondeur Barbedienne pour son édition en trois grandeurs (99, 75 et 56 cm).
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Ève naissante
Ève naissante
Cette œuvre en plâtre grandeur nature, réalisée par Paul Dubois en 1873, s’intitule Ève naissante. Elle est issue d’un long travail préparatoire : les carnets de croquis présentent des dizaines d’esquisses, où le sculpteur varie les postures, présentant Ève tantôt pudique, se cachant avec ses bras, tantôt tentatrice. Les croquis du modèle vu de tous les côtés révèlent la rigueur de Dubois, qui passe ensuite à des études en cire avant d’arriver au modèle définitif.
Dubois fait le choix de présenter Ève non pas au moment du péché originel mais juste après sa création. Il montre donc Ève totalement innocente. La posture reprend celle de La Naissance de Vénus de Botticelli et des Vénus de Lucas Cranach, indiquant la principale source d’inspiration de Paul Dubois : la Renaissance, florentine et allemande. Les formes du corps se rapprochent aussi du canon féminin de l’école de Fontainebleau qui domine l'art français dans les années 1530-1610 : hanches larges et épanouies, poitrine menue et haut placée. Le contrapposto à l’antique, c’est-à-dire l’inclinaison marquée des hanches et des épaules, donne vie au corps de la jeune femme.
Paul Dubois s'inscrit dans les recherches contemporaines sur le corps féminin, abordées par les artistes à travers des sujets mythologiques, allégoriques, ou plus rarement, comme ici, bibliques. Elles donnent lieu à de nombreux débats entre les partisans d'une beauté idéale, inspirée de l'Antique ou de la Renaissance, et les partisans du réalisme, cherchant à montrer de « vraies » femmes ou de nouveaux canons de beauté.
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Homme aux bras croisés
Homme aux bras croisés
Entreprises mécènes : centrale EDF de Nogent-sur-Seine, société Gaget, cabinet Lenoir et associés architectes, cabinet Prieur et associés, agence ANAU, société Roussey
L'Homme aux bras croisés est l'une des très rares ébauches en terre cuite de Camille Claudel qui nous soient parvenues. Elle n’est pas associée à une œuvre achevée et n'a pas été documentée du vivant de l'artiste. Malgré ses petites dimensions, elle est d'une grande puissance expressive et Claudel lui a donné une forte présence avec une grande économie de moyens. Le modelé est ferme et le geste des bras croisés est très puissant en dépit de leur caractère esquissé.
En regardant dans le détail, on imagine l'artiste au travail, les outils à la main. On distingue nettement les traces laissées par l’ébauchoir et la gradine, particulièrement nettes sur le front et la joue gauche. La mèche de cheveux et le nez ont été dégagés en retirant un peu d'argile, d'un geste qu'on devine sûr et rapide. Il est à la fois instructif et émouvant d’observer ainsi la fabrique de l’œuvre.
Camille Claudel réalise cette ébauche au moment où elle commence à travailler dans l’atelier d'Auguste Rodin. Elle a pu être rapprochée de certaines figures de La Porte de l’Enfer auxquelles celui-ci travaillait alors, ce qui conduit à la dater autour de 1885. A cette période, les deux artistes sont dans une intense communion stylistique et leur manière est tellement proche qu’un doute peut subsister sur l’attribution de la sculpture, comme pour toutes celles qui ne sont pas signées. L’attitude bras croisés et les outils utilisés pour le modelage rapprochent l’esquisse de Claudel d’une œuvre plus tardive de Rodin, son Monument à Balzac et en particulier l’étude dite Étude C. Cependant, le léger déséquilibre des bras entrelacés et la manière dont la silhouette semble se retrancher en elle-même est en adéquation avec les recherches et la sensibilité de Claudel, qui trouvent leur pleine expression dans la Femme accroupie, réalisée à la même époque.
Torse de Clotho chauve
Torse de Clotho chauve
Fonte Claude Valsuani, n°3/8, après 1984 - Inscription : "C. Claudel / Fonte C. Valsuani 3/8"
Dans la mythologie grecque, les Moires sont trois sœurs présidant à la destinée humaine, symbolisée par un fil : la plus jeune, Clotho le file, Lachésis le dévide et Atropos le coupe. Or, Camille Claudel représente ici Clotho comme une vieille femme décharnée, à la peau flétrie et tombante, dont le visage creusé aux orbites presque vides tient plutôt de la tête de mort… Elle condense la triade mythologique en un seul personnage. Camille Claudel reprend ici des thèmes qui lui sont chers, la destinée humaine et la vieillesse.
Ce buste de Clotho chauve est probablement une étude pour une figure présentée en 1893 au Salon : Claudel expose une version en plâtre de Clotho, en pied. La vieille femme est emprisonnée dans une épaisse chevelure, qui forme une résille masquant le haut du visage, et dont le poids semble la paralyser. On peut penser que l’artiste fait de ces épais cheveux une image du fil de la destinée. Cette œuvre fait une forte impression aux critiques d’art, qui consacrent Camille Claudel comme une des grandes sculptrices de son temps. Mathias Morhardt organise une souscription pour offrir une version en marbre de Clotho au musée du Luxembourg, mais l’œuvre est refusée par le musée puis disparaît mystérieusement.
La sculptrice a probablement pris pour modèle Maria Caira, modèle italien ayant aussi posé pour Auguste Rodin et Jules Desbois. Elle partage ainsi avec d’autres sculpteurs une réflexion offrant un nouveau regard sur la vieillesse : nulle idéalisation, elle insiste au contraire sur l’horreur que peut susciter ce corps flétri par l’âge, tout en lui donnant une grande dignité.